365 jours

Les parents et amis des otages détenus dans la bande de Gaza par le groupe militant du Hamas peignent des rubans jaunes sur la route tandis que d'autres bloquent la circulation lors d'une manifestation exigeant la libération des personnes enlevées à Tel Aviv, en Israël, vendredi 13 septembre 2024. (Crédits : AP/Oded Balilty)
Les parents et amis des otages détenus dans la bande de Gaza par le groupe militant du Hamas peignent des rubans jaunes sur la route tandis que d'autres bloquent la circulation lors d'une manifestation exigeant la libération des personnes enlevées à Tel Aviv, en Israël, vendredi 13 septembre 2024. (Crédits : AP/Oded Balilty)

L’air me manque. 365 jours. Et ils ne sont toujours pas revenus. Ils sont encore 101 à vivre l’enfer sur terre. Et nous, la culpabilité.

Pour revoir cette année j’ai parcouru les photos que j’ai prises des kibboutz, villes et moshav attaqués ce samedi noir. Et j’en ai eu le vertige. Un ascenseur émotionnel. Que de tristesse, de désolation mais aussi de bravoure, d’entraide et de miracles.

Car il faut le dire pour ceux qui ne l’ont toujours pas compris, le 7 octobre 2023 nous avons cru que nous étions perdus. Inondés par une vague de haine sauvage et barbare qui a tout renversé sur son passage. Humanité, innocence, enfance, jeunesse, espoir. Tout. Nous l’avons dit et redit à tous ceux qui sont venus en signe de solidarité au cours de l’année.

Nous ne sommes plus les mêmes. Beaucoup d’espoirs ont été anéantis lorsque la deuxième vague de haine s’est abattue sur nous.

Lorsque des civils palestiniens ont participé au carnage dans la foulée des Nukhba, les commandos du Hamas. Et puis alors que les combats pour libérer les villes et villages attaqués continuaient, que nous ne mesurions pas encore l’ampleur de la tragédie, le Hezbollah, représentant de la République Islamique d’Iran à commencé à tirer sur les villes et villages, juifs, druzes et arabes du nord du pays, jetant alors sur les routes vers le centre des dizaines de milliers de civils.

Et puis le comble, l’autre front. Celui en Occident. Dans les campus universitaires et les rues des grandes capitales des pays autrefois symboles de liberté. La haine à l’égard des Juifs de toutes nationalités. Les attaques sur les synagogues, les écoles et les centres communautaires.

Les affiches d’enfants kidnappés arrachés par des individus incapables de nous situer sur une carte du monde, mais appelant à notre extinction. Alors que les appels à notre aneantissement faisaient rage, les accusations de génocide tandis que notre armée partait à Gaza pour sauver nos frères et sœurs enlevés.

Les excommunications sociales. Les leçons de morale de citoyens de pays dont les armées n’ont jamais regardé le nombre de civils tués pour attraper des terroristes qui les avaient attaqués. Les médias qui refusent de prononcer le terme de terroristes.

Et puis les Houthis, une tribu arriérée du Yémen armée et financée encore par la République Islamique d’Iran. Le régime qui a pendu des femmes, des homosexuels, des opposants politiques par centaines en moins d’un an.
Les désaccords internes sur la tenue de la guerre, les interventions d’étrangers qui ne comprennent décidément pas ce qu’est un pays juif, un pays qui discute de tout, même dans les moments les plus terribles.

Et ces jeunes et moins jeunes soldats… Notre fierté et notre espoir de lendemain plus harmonieux. Tous ces gens partis au combat pour défendre le pays sans même qu’on leur demande. Ces jeunes réservistes se battant pour trouver des avions pour rentrer au pays. Car ça aussi nous l’avons bien compris. Nous n’avons pas d’autres pays, pas d’autre terre, et il ne nous est pas possible de compter sur les autres pour assurer notre défense.

L’entraide des civils restés pour faire parvenir des équipements, de la nourriture, de la joie aussi, à tous ceux qui ont perdu leur foyer et à nos soldats partis sans se poser de questions.

La sensation de vivre l’Histoire, tout en se disant qu’on aurait préféré vivre une vie morne sans manquer d’air à chaque bulletin de nouvelles annonçant la mort d’un soldat. Sans devoir aller à des enterrements d’inconnus de sa ville ou d’amis de ses enfants. Ou apporter des messages de condoléances et de soutien à des familles endeuillées. Ou accompagner les processions vers le cimetière avec son drapeau et ses larmes en bandoulière.

365 jours et je n’ai pas l’impression d’aller mieux.

Je ne peux m’empêcher de penser chaque jour, chaque heure, à ces mères qui attendent désespérément leur enfant, ces enfants qui attendent leur père ou leur grand-père.

Et malgré toutes mes bien modestes tentatives, la sensation terrible que l’on ne nous comprend pas. Car je ne peux me résoudre à accepter que le monde dans son intégralité nous hait. Car j’ai eu des lumières d’espoir, j’ai vu, entendu, lu des femmes et des hommes dire qu’ils savent ce qu’Israël fait et qu’ils comprennent ; et que lorsque des terroristes mus par le désir morbide de destruction sont éliminés, ils remercient Israël.

Et puis les nouveaux liens qui se sont créés au sein de la société israélienne, les échanges entre membres de différentes communautés et religions, tous attaqués de la même façon parce qu’Israéliens.

L’élan incroyable de bénévoles qui ont mis toute leur énergie au service d’autres israéliens qu’ils ne connaissent pas.

Le Forum des familles des otages et des disparus, un organe citoyen créé en l’espace de quelques jours avec un immeuble complet mis à disposition par une compagnie de high-tech. Un organe fonctionnant comme un gouvernement avec des départements légaux, diplomatiques, psychologiques, financiers, de relations publiques etc…

Et puis les maires des villes et villages attaqués dans le sud et dans le nord, les présidents de conseils régionaux. Des leaders qui ne dorment plus depuis 1 an pour servir et venir en aide à leur population. Un exemple pour nombre de politiciens. Pas seulement ici.

Et toutes ces initiatives citoyennes d’échanges entre les différents segments de la population pour garder cette union sacrée qui nous rend invincibles.

De nombreux livres seront écrits sur cette année qui vient de s’écouler. Et l’histoire n’est pas finie. Nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Tant que nos otages ne seront pas rentrés, notre âme ne sera pas en paix.

Tant que les habitants du nord ne pourront pas rentrer chez eux en sécurité, nous n’aurons pas retrouvé notre souveraineté.

Tant que la menace d’un autre 7 octobre sera pendue telle une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, nous ne pourrons pas reprendre notre souffle.

Après viendra le temps de se rappeler de nos amis qui nous ont ignorés lorsque nous vivions dans un océan de détresse, qui nous ont assuré de leur amitié tout en nous empêchant de nous défendre.

Et puis alors, nous pourrons enfin dormir d’un sommeil plus doux sans craindre l’alarme qui nous extirpe de nos lits.

Et puis aussi nos voisins pourront savourer la joie de vivre dans une région qui loue la vie et abhorre la mort.

Les iraniens aussi seront libres alors.

Hé oui, c’est plus fort que moi. Je garde l’espoir.

Nous sommes vivants.

עם ישראל חי

à propos de l'auteur
Née à Paris, ancienne avocate au Barreau de Bruxelles, Myriam a quitté l’Europe en 2005 pour s’installer à Montréal, où elle est devenue une travailleuse communautaire au FNJ-KKL puis directrice des relations communautaires et universitaires pour CIJA, porte parole officiel de la communauté juive, avant de faire son alyah. Après un passage au Keren Hayessod, une activité de consultante en relations publiques pour des clients canadiens, européens et israéliens, elle est désormais DIrectrice des missions en Israel pour CIJA.
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