3,25%, sinon rien

© Stocklib / Lev Tsimbler
© Stocklib / Lev Tsimbler

C’est le chiffre magique pour tous les partis : 3,25% des suffrages exprimés, le seuil d’éligibilité qui permet à une liste de faire entrer à la Knesset au moins 4 députés (sur 120).

En deçà, point de salut : c’est 3,25% minimum, sinon les bulletins irrémédiablement perdus finissent à la poubelle. Les partis doivent évaluer leurs chances de franchir le seuil fatidique, d’où un jeu compliqué d’alliances lorsque celles-ci sont nécessaires pour garder la tête hors de l’eau.

Depuis 2015, les partis arabes ont compris l’importance de cette règle du jeu. Ils présentent une « liste unifiée » groupant communistes, nationalistes et islamo-conservateurs. Le succès a été au rendez-vous, notamment en 2020 avec 15 députés élus, record historique pour la représentation politique des Arabes israéliens.

La fois suivante, la dissidence du parti de Mansour Abbas, Ra’am, fit chuter la participation des électeurs arabes au scrutin du 23 mars 2021 : seuls 10 députés – 6 de la « liste unifée » (qui a gardé ce nom malgré l’amputation) et 4 de Ra’am – furent élus. Pour le scrutin du 1er novembre prochain, la menace d’une nouvelle division émanant du parti ultra-nationaliste Balad risquait de mettre en danger tout l’édifice. Finalement, les communistes et les nationalistes continueront à se présenter ensemble devant les électeurs. Les partis juifs seront-ils inspirés par une telle sagesse, un tel réalisme politique ? Rien n’est moins sûr.

A gauche, les travaillistes, et la première d’entre elles/eux, la présidente du parti, Merav Michaeli, refusent toujours de fusionner leur liste avec celle de Meretz. Avec 5 sièges pour chacun des deux partis selon les sondages, le risque est évident, mais les petits calculs et les égos surdimensionnés continuer à dominer à l’heure où ces lignes sont écrites.

Chez les ultra-orthodoxes, la formation Yaadout ha Thora pourrait voler en éclats avec la présentation de deux listes issues des deux courants historiques de cette tradition dans le monde ashkénaze. Les pressions s’exercent en tous sens sur le concepteur de cette stratégie, l’insubmersible Moshé Gafni. Mais, soutenu par son mentor spirituel, le Grand rabbin Gershon Edelstein (âgé de 99 ans !), il tient bon.

La division pourrait conduire à la perte sèche des 6 sièges que Yaadout ha Thora obtiendrait selon les dernières enquêtes d’opinion. Binyamin Netanyahou, « l’allié naturel » des ultraorthodoxes, serait alors privé de son avance, et Yaïr Lapid, le Premier ministre en exercice, pourrait conserver son poste.

A moins que son rival, Benny Gantz, le ministre de la Défense, fort de sa bonne entente avec Moshé Gafni, puisse former une alliance avec les « hommes en noir ». Le 15 septembre prochain, une fois les listes déposées, il sera trop tard pour les remords, et le chiffre de 3,25% hantera les esprits de certains responsables politiques pas toujours aussi responsables que cela.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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