2006, cet été qui aurait pu être le dernier
10 ans après la seconde guerre du Liban, résonnent encore en moi les bruits assourdissants des combats. 10 ans après, il m’est difficile de me remémorer ces instants ou tout a faillit basculer.
La semaine dernière j’ai donné une interview à la radio juive de Bruxelles, racontant le terrible été 2006 qui à de nombreux égards, a changé le cours de ma vie.
Pour la première fois j’ai parlé ouvertement de l’histoire de la guerre en français, moi qui ai souvent eu du mal à mettre des mots sur des événements aussi marquants alors que je venais d’avoir 21 ans le jour même ou je suis rentré au Liban.
Cela ne faisait pas encore deux ans que j’étais en Israël, j’apprenais encore l’hébreu pourtant je me retrouvais déjà à défendre les frontières du pays.
Lors de cette interview j’ai été amené à répondre spontanément à des questions tentant de comprendre mon vécu à travers la chronologie de cette guerre désordonnée. Comme toutes les guerres doivent l’être apparemment, du moins pour ceux qui la vivent sur le terrain.
Un auditeur m’a écrit après m’avoir entendu à la radio, me félicitant pour la clarté avec laquelle j’ai réussi à décrire ces scènes de combats. « C’est beau d’entendre que tu arrives à parler avec tant de calme de ce moment où tu as failli y passer, » m’a-t-il dit.
À dire vrai, j’ai encore aujourd‘hui beaucoup de mal à repenser à ces moments là. Comment pourrais-je revivre de tels instants, alors qu’en tentant d’échapper aux tirs de l’ennemi seul mon instinct de survie me guidait annihilant toute pensée ou sentiment ?
C’est seulement en me détachant et en prenant une certaine distance que je peux décrire la scène en tant que spectateur. Essayer de la revivre, c’est de nouveau se retrouver sous le feu des balles. Cela me fait trop de mal.
Rien qu’en la reconstituant dans mes pensées, je me retrouve face à un blocage. Imaginez à nouveau, le feu, les larmes, l’odeur du sang, ces terroristes qui nous assaillent de toutes parts. Ce moment précis où je m’approche de cette fenêtre avec mon arme automatique sachant très bien que l’ennemi se trouve en face, à quelques mètres à peine…
Je préfère ne pas y penser, ou raconter l’histoire comme un étranger. C’est probablement le prix à payer, cette blessure morale qui peine à cicatriser. Cette confrontation avec ces dernières secondes de ma vie, fait naitre en moi un frisson de stupeur traversant l’entièreté de mon dos encore une fois de plus.
Ce souvenir de la guerre pour moi n’en reste pas moins une nécessité, car deux hommes de ma compagnie y ont laissé leur vie ainsi que 119 autres soldats pour que le calme puisse revenir sur notre terre.
Ce devoir de mémoire m’incombe, il est aussi une tâche commune à notre peuple, pour que jamais une goutte de sang versé d’Israël ne soit oubliée devant l’éternel.
Puisse le calme et la paix régner sur les frontières de notre seul pays sur terre.
Retrouvez l’interview en intégral sur le lien suivant.