« 12 Heures pour Le Futur Israël » : la parole libre et l’universalisme des olim français

Évènement "12 Heures pour Le Futur Israël", le 8 mai 2025 à Tel-Aviv. (Credit : Delphine Fisher / autorisation)
Évènement "12 Heures pour Le Futur Israël", le 8 mai 2025 à Tel-Aviv. (Credit : Delphine Fisher / autorisation)

En phase avec la croissance continue et en accélération de la communauté juive francophone israélienne, remarquable succès pour « Les 12 Heures pour Le Futur-Israël » organisées le 8 mai « pour penser, réparer, construire le futur Israël ».

Évènement « 12 Heures pour Le Futur Israël » à Tel-Aviv le 8 mai 2025. (Crédit : Carole Aflalo / autorisation)

Beaucoup de monde pour cette formidable République des idées, « une expérience d’un format participatif innovant » dans les salons de l’Hôtel Basel à Tel-Aviv. Autour de la question « Les olim francophones peuvent-ils ramener les Israéliens vers le dialogue ? », on y a entendu – c’est rare – une parole libre, bienveillante, sans contrainte, sans à priori, sans préjugés. Ont été évoqués divers projets à l’étude, dont prochainement des assises du Judaïsme francophone.

La presse en français publiée en Israël, 2025. (Crédit : Liliane Vittori)

Il faut le savoir, c’est un marqueur sociologique : la communauté francophone israélienne se distingue par une profusion de publications de toutes tendances, sur papier et en ligne, diffusées en langue française dans tout Israël. Depuis la presse classique Actu. J et Israël Magazine jusqu’aux journaux gratuits dont l’exceptionnel Futé magazine – le magazine sioniste sans censure crée en Judée-Samarie (à fort tirage). Plus les nouvelles feuilles régulières des mouvements religieux et des synagogues – dont Breslav et ses 4 pages en couleur – et tant d’autres… Auxquels s’ajoutent les sites de presse dont le Times of Israël en français et Ashdod Café, les directs télévisés de Lilmod ou de Torah-Box (magazine papier et site), les innombrables conférences et cours sur YouTube, les programmes de I24 News en français, les groupes WhatsApp des associations… Une présence et une parole argumentée, illustration d’une communauté française éduquée, souvent diplômée, bien professionnalisée, et bien décidée à exister sur la scène publique, à s’intégrer et en même temps à s’affirmer.

Conférence « 12 Heures pour Le Futur Israël » le 8 mai 2025 à Tel-Aviv. (Crédit : Liliane Vittori)

Pour quoi faire ? Et quelle est la contribution – on pourrait dire la quote-part, la dotation – que peut apporter la communauté francophone revenue de l’exil d’Édom vers son pays Israël ? Les journalistes Antoine Mercier (fondateur de la chaîne Mosaïque) et Emmanuelle Adda ainsi que Valérie Saül, « entrepreneuse de projets à impact », ont imaginé ces exceptionnelles 12 heures « sans lien avec une quelconque institution, association ou parti politique ». Ils ont souhaité valoriser :

L’affirmation publique de la solidarité des Juifs de France avec Israël et la visibilité politique de la communauté juive française. Loin des débats politiciens qui accusent nos divisions, nous proposons de nous rassembler pour tenter de faire émerger, à partir de nos perceptions individuelles, la perspective d’un avenir commun…

Au cœur de ce panel de la communauté juive francophone d’Israël, la réflexion, l’écoute, ont réellement fonctionné lors de la conférence de clôture et des trois ateliers (dont un consacré à la défense et la communication d’Israël dans les médias internationaux, animé par le bien nommé « Bob Habsara »). Les intervenants étant vite entrés dans le vif du sujet avec cette interrogation essentielle : « pourquoi les olim d’origine française auraient-ils la capacité de faire dialoguer les Israéliens ? ». Le débat s’est déployé, analysant la démocratie israélienne et cette réalité d’une société fracturée et verrouillée, qui craint le pluralisme… Et dont le système d’alarme n’a pas du tout fonctionné le 7 octobre 2023.

Ayalah Livneh du Rivon HaRevii francophone, mouvement citoyen, observe :

Ayalah Livneh, du Revon HaRevii francophone de Jérusalem. (Credit : Archives Ayalah Livneh / autorisation)

« La culture des olim français inclut l’éducation civique, la philosophie, la capacité d’écoute, plus un truc que n’ont pas les Israéliens : la possibilité de prévoir à moyen et long terme. À contrario, les Israéliens ont une qualité absolument extraordinaire, leur capacité à réagir immédiatement. Toutefois, prévoir c’est très difficile pour eux, peut-être parce que la société israélienne est ambivalente : c’est le Moyen-Orient plus la high-tech.

Quels sont les objectifs du Rivon HaRevii (qui veut dire le Quatrième Trimestre), créé en 2022 avant les dernières élections et la guerre du 7 octobre ?

Ayalah Livneh :

À la quatrième génération de tout mouvement de société advient une crise de perte des valeurs des Pères fondateurs ! Voyez entre de Gaulle et Macron, et ici pour nous en Israël entre la date de la fondation de l’État en 1948 et ce qu’on vit depuis 2022. À la crise identitaire s’ajoute la bipolarisation. Notre credo ? Que les gens soient enfin capables de s’écouter, de dialoguer. Je sais que cela n’est pas facile pour un Israélien qui passe son temps à défendre son bifteck. Et l’écoute est une valeur, une formation qu’ils n’ont pas reçue ici ; mais ils ont la notion de peuple, apprise à l’école, c’est-à-dire à fonctionner ensemble !

Pourquoi ce projet des Assises du Judaïsme francophone évoqué à Tel-Aviv lors de ces 12 heures ?

David Ankri, président de Smart Klita :

David Ankri, Président de Smart Klita, aux « 12 Heures pour Le Futur Israël » le 8 mai 2025 à Tel-Aviv. (Crédit : Liliane Vittori)

« Je partage cette idée avec Dov Maïmon, Directeur du Jewish People Policy Institute, et avec Uri Weber de l’Association des Français d’Israël.

J’ai l’intention de réunir toutes les entités francophones désireuses d’œuvrer ensemble pour améliorer le quotidien, le dialogue et l’unité d’Israël. C’est notre spécificité, notre esprit sioniste moderne, militant, tolérant. On a tous envie ici d’aider Israël. Les Juifs d’origine francophone, les Belges y compris, vivent un judaïsme du milieu. Avant tout nous sommes attachés à la tradition juive, à la Torah et au retour du peuple juif sur sa terre. Cela dépasse tous les clivages. C’est notre point fort et j’espère que l’union qu’on va créer va réussir.

Je ressens une énergie très particulière, cela pourrait être la fondation de quelque chose… .

Cette remarque in situ synthétise parfaitement l’atmosphère de ces 12 heures, axées sur l’intégration en Israël avant-pendant-après et dans le temps long de l’Histoire. Il existe tout un vaste panorama de services, d’aides, de zooms, d’expertises au bénéfice des olim, incluant des partenariats avec des villes ou des quartiers. Une approche et une expérience précieuse pratiquée par Dor-Hadash, incubateur d’Alya. Même positionnement pour l’association Smart Klita – Alya 3.0, mouvement citoyen et solidaire d’olim. Un « écosystème novateur de sionisme moderne » travaillant sur l’administratif, l’emploi, l’éducation, l’habitat, avec des programmes et des communes nouvelles en Galilée, dans le Néguev et des quartiers intelligents et verts dans les villes existantes, dont Bat Yam.

Stand de Dor-Hadash aux « 12 Heures pour Le Futur Israël » le 8 mai 2025 à Tel-Aviv. (Crédit : Carole Aflalo / autorisation)

À Tel-Aviv, les voix et les convictions se sont exprimées et croisées, dont l’extraordinaire prestation de Sarah Fainberg (spécialiste sécurité et défense) sur les perspectives de la future doctrine stratégique d’Israël. D’emblée, pulvérisant certaines illusions, elle assène :

Trop d’émotions empêchent la conscientisation utopique de l’industrie de défense israélienne.

Ainsi, dit-elle, l’actuel Dôme de fer traduit :

Une érosion technologique qui a commencé ; il faut passer rapidement d’une logique de la dissuasion à une logique de la punition.

Rappelant que la reconquête le 7 et 8 octobre, maison par maison, de la terre et des kibboutz du Sud, a été possible grâce aux civils et à certains militaires venus sans ordre et sans leurs unités… Et venus sans rien ou avec leur unique arme de service, ou avec « des couteaux de cuisine ». Elle appelle de ses vœux à une véritable formation « non américanisée » des élus israéliens, pour passer de l’aveuglement à une véritable planification stratégique autonome. Voilà pour le futur militaire tel qu’il a été abordé en bref, suivi par des exposés sur l’état de santé psychologique des enfants, et les miracles vécus par les entreprises de la high-tech israélienne.

Antoine Mercier (à gauche), journaliste et créateur de la chaîne Youtube « Mosaïque », aux « 12 Heures pour Le Futur Israël » le 8 mai 2025 à Tel-Aviv. (Crédit : Carole Aflaho / autorisation)

Pour Antoine Mercier, la question essentielle reste l’esprit universaliste et l’art du dialogue, qualités primordiales de la communauté juive francophone d’Israël. Un pays lui-aussi miné par la polarisation politique, où chaque parti cherche à s’attacher une clientèle, à enflammer le ressentiment et la haine de l’autre et à installer une libanisation.

Antoine Mercier :

Manitou Léon Ashkenazi disait, chaque nation qui revient en Israël apporte quelque chose de particulier. Pourquoi cet exil des Juifs dans tous les pays du monde ? Parce qu’Israël est constituée de cette universalité ramenée de tous les pays. Je compare ces 12 heures à un terrain labouré où vont grandir de jeunes pousses.

Les convictions des olim sont fortes pour être utiles au pays. Ils sont amoureux d’Israël et disent nous pouvons vous aider si seulement vous vouliez bien nous écouter…

Aujourd’hui, la guerre intestine, interne, l’intolérance, la polarisation prennent des proportions incroyables de violence : quel positionnement pour les olim français ?

Antoine Mercier :

Revenons sur terre. Une moitié d’Israël accuse l’autre de détruire Israël… L’enlisement est là, ça peut déraper. Alors qu’il y a l’esprit français, c’est-à-dire l’art du débat, la capacité d’inclure des éléments qui s’appellent l’histoire, la réflexion, l’écoute. Il faut se poser, réfléchir rationnellement, sortir de cette hystérie. Nous nous déchirons alors que nous ne représentons qu’un petit morceau de l’histoire juive. L’École de Paris, avec Emmanuel Levinas et Manitou, est parvenue à traduire le Judaïsme,en termes universels. C’est un savoir-faire français d’universaliser les idées, ce levier permettrait à Israël d’amplifier sa dimension universelle et sa mission traditionnelle. C’est le projet Adam, David, Machiar. La parole hébraïque authentique serait enfin entendue par les Nations. Déjà ce pays est un modèle, et les Nations attendent un message d’Israël.

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