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100 ans de la déclaration Cambon : une boussole pour la relation franco-israélienne

Simone espère que l'arrivée de Macron augure de meilleurs jours entre Paris et Jérusalem
Jules Cambon (Crédit : domaine public)
Jules Cambon (Crédit : domaine public)

L’Histoire est parfois ingrate. Elle sélectionne certaines informations, ne retient que quelques noms, quelques événements.

C’est notamment le cas de la très peu connue déclaration Cambon, bien souvent éclipsée par la déclaration Balfour de la même année. Dans les deux cas, un soutien très clair à l’établissement d’un foyer national juif.

Ainsi, cinq mois avant la déclaration britannique, la France affirmait déjà sa sympathie à l’égard du projet sioniste par la plume de Jules Cambon, Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères, avec des mots simples et clairs : « ce serait faire œuvre de justice et de réparation que d’aider, par la protection des Puissances alliées, à la renaissance de la nationalité juive, sur cette terre d’où le peuple d’Israël fut chassé il y a tant de siècles ».

Dès les prémices du mouvement sioniste, la France a donc considéré que le retour du peuple juif sur sa terre ancestrale était une réparation historique et une cause qu’il fallait soutenir.

Dans la France de 2017 où « sioniste » fait parfois figure d’insulte, revenir à cette déclaration et à son sens premier paraît non seulement utile mais salutaire. Oui, le sionisme a été célébré par la majeure partie des Français et de leurs représentants politiques comme un mouvement de libération nationale et cela avant même la création de l’Etat d’Israël en 1948. Car être sioniste, ce n’est que cela : être favorable à ce que les Juifs, comme tous les autres peuples du monde puissent avoir un Etat, considérer que l’Etat d’Israël est légitime car il permet aux Juifs du monde entier d’avoir une terre pour les accueillir si demain ils sont victimes de persécution.

Rien de plus, rien de moins.

Depuis Cambon, l’Histoire des relations franco-israéliennes a été marquée par de nombreux rapprochements : la France fut le premier soutien militaire d’Israël et l’aida à bâtir son arsenal nucléaire. C’est uniquement en 1967 que le Général de Gaulle mit un terme à la « lune de miel » que connurent les deux pays en imposant, à la veille de la Guerre des Six Jours, un embargo sur les armes à Israël.

Décision qu’il expliqua lors de sa conférence de presse, rendue célèbre par la formule tristement célèbre « Peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », et à laquelle Ben Gourion répondit en ces termes : « Nous n’avions aucune ambition ardente et conquérante mais bien plutôt une foi ardente en la vision de la paix de nos prophètes… ».

50 ans après l’anathème gaullien, à l’occasion de l’anniversaire de la déclaration Cambon, il est temps de se remémorer les fondements de cette relation. Cela ne veut pas dire que la France ne doit pas être franche et exigeante envers Israël mais il s’agit de revenir sur ce lien ancien et profond entre les deux pays et d’insister sur les nombreux axes de coopération possibles entre les deux pays.

La lutte anti-terroriste apparaît certainement au premier rang des priorités bilatérales. Tandis que la France est la cible privilégiée d’attaques et connaît une situation similaire à celle d’Israël, elle pourrait grandement bénéficier de l’expertise israélienne en la matière, tant sur le plan du renseignement que sur celui de la préparation et de la résilience des populations face aux attentats.

Sur le dossier du nucléaire iranien, la France a adopté, depuis plusieurs années, une position particulièrement intransigeante et aurait tout intérêt à poursuivre sa stratégie en concertation avec Israël, également très soucieux de la menace iranienne.

Par ailleurs, grâce à ses appuis au sein du monde arabe, Paris pourrait jouer un rôle dans le rapprochement entre Israël et les puissances sunnites, dont l’alliance discrète et implicite repose sur une méfiance commune envers l’Iran. Ces derniers mois, les signes d’ouverture et les discussions se sont multipliés, avec l’aide de la nouvelle administration américaine. Mais la France pourrait être un acteur clé de ce qui représente une opportunité d’impliquer les voisins sunnites d’Israël et les Palestiniens face aux menaces communes.

Pour l’avenir des relations franco-israéliennes, l’élection d’Emmanuel Macron est porteuse d’optimisme. Alors ministre de l’économie, il s’était rendu en Israël, envoyant ainsi un signal fort, et avait témoigné d’un désir d’accentuer la coopération, notamment dans le domaine des hautes technologies, entre la « French Tech » et la « startup nation » qui figure parmi les dix économies les plus innovantes au monde.

De même, durant sa campagne, il s’est clairement opposé au boycott d’Israël, s’est prononcé contre la reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien en dehors d’un accord de paix et, enfin, a exprimé le fait qu’il ne puisse pas « y avoir d’indulgence concernant le Hezbollah ».

Il semble donc permis, malgré les positions françaises parfois dures à l’égard d’Israël depuis 1967, d’envisager à présent une politique étrangère qui revienne à l’essence même de la déclaration Cambon et qui appréhende le renforcement des liens entre les deux pays comme autant d’opportunités mutuelles.

à propos de l'auteur
Simone Rodan Benzaquen est la directrice de l’American Jewish Committee à Paris depuis 2010 et désormais directrice AJC Europe. Elle rejoint AJC après une carrière dans la politique et le militantisme en France et en Europe. Elle a été tour à tour conseillère de l’ambassadeur pour les Droits de l’Homme François Zimeray, vice-présidente de SOS Darfour, membre du Conseil d’administration du Collectif urgence Darfour ainsi que Secrétaire Générale de l'association Medbridge dont elle est cofondatrice.
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